Qu'il s'agisse d'un dîner de gala ou d'un simple repas familial, le menu
doit être harmonieux et bref.
Il doit s'adapter autant que possible aux circonstances; un dîner de notaires ne peut rien avoir de commun avec un dîner
d'écrivains ou d'artistes; mais tous deux doivent être d'une composition parfaite, réflectant, pour ainsi
dire, l'état d'âme des convives. Il faut éviter avec soin de faire se succéder deux viandes de boucherie, de volaille ou
de gibier de même couleur; deux sauces de même base ou de même apparence; ne jamais répéter deux fois le même légume ou la même
dénomination. Autant que possible, excepté pour les dîners de chasse, ne pas faire figurer
deux gibiers dans un menu. Eviter aussi de termes pompeux et pédants; rien n'est plus ridicule, par exemple, que d'employer
le mot cryptogame à la place de champignon. En certains
cas, cependant, l'usage admet d'audacieux euphémismes tels que Perles noires pour désigner les truffes; mais
il ne faut user de ce genre de licence qu'avec une extrême moderation, il faut surtout n'en pas créer de nouvelles. °°°°°°°°°° Le menu d'un repas
officiel doit être établi avec beaucoup de tact; il faut éviter soigneusement les mets dont la dénomination
pourrait choquer les convives. Il est inconcevable que , jusqu'en janvier 1913, on n'ait
jamais pu recevoir une souveraine à l'Elysée ou à l'Hotel de Ville sans lui servir un potage Du Barry
ou une sole Pompadour. Le coupable en ces circonstances, ne fut pas le chef de cuisine, mais bien le fonctionnaire chargé
d'élaborer les menus; les cuisiniers ont généralement assez de tact pour éviter ces déplorables
fautes.
Il serait donc à souhaiter que les chefs de cuisine fussent toujours consultés
pour éviter les erreurs de fonctionnaires incompétents; les grandes agapes officielles seraient certainement
plus variées et mieux ordonnées qu'elles ne le sont en ce moment. °°°°°°°°°° Rien n'est plus
dérisoire que de présenter un menu banal ou mal équilibré dans un cadre artistique. Ce n'est pas
le dessin ou l'eau-forte qui constitue la véritable oeuvre d'art,
mais bien le menu lui même, conçu et réalisé par le chef de cuisine, qui devrait toujours signer
son "poème", selon l'usage innové par les Dîners
d'Epicure. Les
premiers Diners caritatifs créés à l'origine par Auguste Escoffier en 1912, nommés
"Diners d'Epicure" avaient
pour but de faire rayonner le prestige de la cuisine française à l'étranger. |
°°°°°°°°°°
Avant d'établir un Menu, il convient de s'assurer
de quels produits on dispose, selon les saisons; il faut aussi veiller
à ne jamais encombrer un ou plusieurs services de la cuisine. La disposition générale
d'un Menu se trouve résumée dans une seule phrase de Brillat-Savarin : L'ordre des comestibles est des plus substantiels aux plus légers. Les hors-d'oeuvres doivent pourtant ne pas être lourds; on a aujourd'hui tendance à les
compliquer, à leur donner une place beaucoup trop importante. Les savouries ( ou bonnes-bouches
) devraient être supprimées radicalement; nous en indiquons cependant les RECETTES, parce qu'un grand nombre d'Anglais et d'Americains leur sont demeurés fidèles Les divers fromages doivent toujours
être servis en même temps que les fruits; mais ils ne doivent pas, sauf de très rares exceptions, figurer
sur le menu. Il faut éviter
de répéter trop souvent la locution"à la" en formulant un menu. Cette locution peut dans beaucoup
de cas être supprimée; elle est même parfois un non sens : "Omelette
à la Massena ", "Sole à la Carmen ", "Pêche à la Melba ", etc : ce serait là des erreurs inexcusables. En général, et sauf de rares exceptions, les mots "à
la" ne doivent s'employer que quand il signifient "à la façon de", "à la mode de"
ou " à la manière de ". |